On savait peu de chose de Sœur Marie de la Présentation.
Elle avait toujours été d'une grande discrétion, faisant parfaitement le service, toujours souriante, toujours disponible. Mais quelque chose de grave avait pourtant marqué son visage, quelque chose de clos.
Certains croyaient que Sœur Marie venait de Toulon. Elle évoquait souvent cette ville avec un filet de voix tendu et des regrets. On disait même que là, sous les bombardements de la dernière guerre, elle aurait, cachée dans une cave, trouvé la vocation. Dans sa petite chambre, il y avait bien cette carte postale du Toulon reconstruit qu'elle avait reçue de Jean-Luc et qui lui était adressée sous son nom civil de Josette.
On disait qu'elle était la marraine de Jean-Luc car à Noël on voyait bien Sœur Marie retrouver un sourire en préparant un petit colis qu'elle ne manquait pas d'envoyer vers Toulon. Une tablette de chocolat, un paquet de madeleines faites de ses mains, une paire de gants en peau de mouton retournée et parfois une petite Norev.
Mais on ne vit qu'une seule fois Sœur Marie vraiment joyeuse et heureuse. Elle avait reçu du facteur une carte Postale du Couvent des Dominicains d'Eveux sur L'Abresle.
Signée de Pierre, cette carte annonçait simplement que ce dernier avait fait le choix à son tour d'offrir sa vie à la prière et avait rejoint les Dominicains. Sœur Marie était si heureuse ! Et toute la maison profitait de sa joie. Elle alla vite à l'église mettre un cierge, prépara le repas dans une allégresse communicative et on dit qu'on l'entendit fredonner une petite chanson.
En 1977, Sœur Marie fit pourtant un voyage à Paris pour retrouver Pierre et Thérèse sa cousine. Pierre était venu d'Eveux vers la Capitale pour rencontrer un architecte qui s'occupait alors de son couvent et Thérèse trouvait judicieux de les réunir ici. Elle avait marqué d'une croix son appartement pour que Sœur Marie s'y retrouve.
Ainsi bien protégée dans cet univers ultra-moderne de Paris, celle qui s'appelait Josette pouvait entendre son vrai prénom prononcé par ce petit frère qu'elle avait protégé des bombardements de Toulon. Sous le déluge des bombes, elle n'avait alors comme barrière à la peur et à l'impuissance que la prière et la promesse d'une vie tournée vers Dieu si elle et son petit frère échappaient à la mort. On les retrouva tous les deux serrés l'un contre l'autre, sous des gravats proches des corps des parents décédés.
Alors Sœur Marie tint sa promesse. Et curieusement, à sa grande joie, son petit frère la suivit dans cette voix faite de renoncement. Seule Thérèse aujourd'hui connaissait cette histoire pudique et forte. Elle la racontera un jour au petit Jean-Luc qui pour l'instant, insouciant, sautait sur les genoux de sa Marraine en riant des histoires de son Parrain Pierre.
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