Mes amis savent bien que je ne suis pas né à Rouen mais dans une ville toute proche. Mais on pourrait sans aucun doute affirmer que l'un de mes éveils à l'architecture fut cette église Sainte Jeanne-d'Arc de Rouen. Elle fit polémique à son époque mais aujourd'hui je crois qu'elle est bien acceptée car finalement sa modernité est bien tempérée par des matériaux reconnus et une forme symbolique (les flammes du bûcher de Jeanne) qui font toute sa gloire...
Je l'aime beaucoup cette église. Parce que, chaque fois que je passe sur son parvis, je retrouve le pas d'un jeune garçon suivant ceux de ses parents venus voir la modernité en marche au milieu des années 70.
Et puis tout de même, au-delà de ces souvenirs, elle a su faire une silhouette, entretenir dans cette ville de Rouen une forme de brisure qui a ramené la ville dans son siècle. Certes, ce n'est sans doute pas l'église la plus moderne et incroyable du monde, certes son symbolisme est sans doute un rien naïf, mais les architectes ont fait je crois un beau travail.
Il faut reconnaître que mes amis à qui je la fais découvrir sont souvent abasourdis en la découvrant car elle reste audacieuse contre les murs ripolinés de vif des colombages rouennais. Elle surgit avec les courbes de son toit dont on peut admirer la charpente ici ou ici. Alors regardons-la un peu au travers de ces quelques cartes postales et ça fait du bien aussi de vous montrer un lieu que je connais, que je fréquente et qui n'est pas un rêve ou un espoir mais un point central de ce qui me constitue, une sorte de caillou blanc sur mon chemin.
D'abord cette carte postale Iris familiale :
Editée par la Cigogne pour Iris en Mexichrome, cette carte fut envoyée par ma mère à ma grand-mère avant 1986. Et je reconnais le moment temporel puisqu'il y est question des changements de vie de mes deux frères...
Mais regardons cette architecture. Vous voyez les flammes qui montent ? A gauche vous avez les halles du marché couvert qui se dirige vers la grande flamme de l'église. On commence à deviner le beau travail de circulation réalisé autour de cette église. Le jardinet serait le lieu exact du bûcher de Jeanne dont vous devinez sans doute une statue. Nous sommes depuis une fenêtre, on voit en bas à gauche le triangle d'un chien-assis !
Depuis le sol :
La carte Estel, production Leconte, nous permet d'admirer notre église et le beau travail des circulations tout autour. Le jardin n'est d'ailleurs pas terminé, on voit encore les barrières et rien n'est planté. Amusez-vous à tirer un trait entre la croix du premier plan, seul signal réel du lieu de culte, les pointes du triangle du toit et au fond, la flèche de la Cathédrale de Rouen, flèche de bronze moderne (première moitié du XIXème siècle) de l'architecte Alavoine.
Puis :
Cette belle carte Yvon sait être une vraie carte postale avec son premier plan fleuri que le photographe pique au marchand de fleurs !
Souvent devant l'audace de ce toit, je pense aux charpentiers et aux couvreurs... Comme ils doivent être fiers d'avoir participé à un tel chantier ! Regardez le beau dessin de ce toit, les lignes des ardoises qui donnent à cette solidité les aspects d'un voile tendu.
Je vous donne aussi pour une fois le dos de cette carte postale car c'est assez rare ce genre de correspondance, nous avons droit à un poème bien organisé sur un réseau de lignes !
Chère Sylvie, Mais non il pleut ! Il pleut, il pleut... Je descends vers Rouen et je la vois sinistre comme dans une sombre apocalypse. Mais debout, droite, avec toute ses flèches et toutes ses tours qui déchirent le noir destin !... Oh belle toujours belle ! Ville des brumes et des eaux, ville d'?? engloutie, ville de rêve... éternelle ville !
Je ne sais pas si ce poème est une création du correspondant ou une copie faite pour la jolie Sylvie, je ne sais pas si le correspondant a réussi à emballer Sylvie mais ce que je sais c'est que, vu le nombre de lignes, il avait espéré faire plus long ! L'écriture est empruntée encore un peu de l'enfance mais a des cursives un rien grandiloquentes. L'adolescence doit être quelque part entre ses lignes. On comprend sans doute que l'analogie entre la ville et Sylvie a pu faire peur à la jeune fille !
On remarquera que la poésie n'est pas signée mais est bien dédiée à Sylvie tout en bas de la carte postale !
J'oublie de vous donner le nom de l'architecte de cette église Saint-Jeanne-d'Arc : il s'agit de Louis Arretche et notre ami Dominique Amouroux dans son excellent ouvrage consacré à l'architecte nous dit également que Henri Gaudin fut bien l'un des plus importants inventeurs du projet qui fut ensuite par trop... adapté aux exigences d'intégrations rouennaises pour rester poli.
On notera que les trois cartes postales nomment bien Monsieur Arretche mais oublient Monsieur Gaudin !
Louis Arretche, Collection In Folio
Dominique Amouroux
Carnets d'architecture, éditions du Patrimoine
isbn : 978-2-88474-185-9
20 euros, faites-vous plaisir !
2 commentaires:
Bonjour,
Le souci c'est que cette église est tellement bien acceptée maintenant que plus personne ne la voit et surtout pas la ville de Rouen.
La vision des cartes postales est "idyllique" mais la réalité est devenue autre, la place n'est pas entretenue, les pourtours de l'église sont sales, des containers de déchets y trainent en permanence, les halles n'en ont que le nom, les parterres ne sont pas entretenus...
C'est dommage car au final l'église, ses prouesses architecturales et ses vitraux sont "masqués" par un environnement devenu médiocre.
c'est vrai.
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