samedi 25 octobre 2008

vous êtes ici, enfin presque




Je reprends un peu le filon d'Alphonse Allais avec, à nouveaux trois cartes postales monochromes. Outre qu'elles se placent dans cette tradition pataphysicienne, elles m'offrent également l'occasion d'évoquer les débuts de ma traque de cartes postales.
Voyez-vous, au commencement était le goût pour la carte postale proposant sur son recto un signe, une marque de l'expéditeur indiquant sa situation, sa localisation. Une croix, une flèche ou encore un rond permettaient au destinataire de se projeter plus précisément sur le lieu du correspondant. Comme pour les cartes aux trésors de notre enfance, Jules Verne, Stevenson et tant d'autres, il s'agit d'un acte que je trouve assez fort, un acte de marquage une manière d'appropriation. Ici et pas ailleurs, je suis dans l'image, je la parcours, j'en fais une réalité dépassant ainsi le registre pur de l'image pour le destinataire qui, lui, de fait et même s'il connaît le lieu n'est pas là avec la même intensité car maintenant que le marquage est effectué il s'agit à la fois d'une image et à la fois du lieu, du réel. Une distanciation donc pour le destinataire toujours moins précisément là que l'expéditeur qui lui fait acte de personnalisation. Il EST Là en puissance, gravé (le couchage vernis de la carte postale ne résiste pas au stylo bic) dans l'image. Pourtant il y a une difficulté pour l'expéditeur : la précision. Alors un registre de signes est inventé : la croix est bien connue mais souvent en même temps qu'elle signale elle camoufle... La flèche indique mais peut aussi contrarier le point de vue, elle pointe non pas tant le sens du point de vue de l'expéditeur que le signalement de son fait : écart... Le cercle est une tentative plus juste mais étrangement plus rare certainement parce que son graphisme se doit d'être parfait au risque de virer à la patate désagréable et gâcheuse d'image. Le cercle est réservé aux personnes certaines de leur coup de crayon, habiles et précises.
C'est en regardant ces cartes postales que je découvris qu'au verso était parfois indiqué le nom de l'architecte. C'est en regardant ces cartes postales que je pris la décision de collecter celles-ci et d'aller voir si du haut de la fenêtre du vingtième étage, si depuis la plage, si ces vues, lieux marqués sont toujours d'actualité.
Une croix, un cercle, une flèche souvent des signes de fierté, de désir de cocher la grille d'un grand ensemble comme on coche la grille du loto afin de sortir de l'image et dans un geste simple et simultané de s'y inscrire.

Les graphistes connaissent bien cette pratique et impriment des cartes comme celle-ci avec déjà des signes comme "mon bureau" (Barcelone !) pour cette carte du Ministère des Affaires Etrangères proposant des stages à l'étranger et éditée par CartCom.
Finalement les fonds monochromes des cartes postales humoristiques démontrent que l'important n'est pas tellement le lieu qui s'écrase en un aplat de couleur que le fait même d'y être et cela toujours contre celui qui n'y est pas. Petite violence amicale, petite aiguille piquée dans l'œil, la distance étant à jamais impossible à combler par une image du moins tant que les voyages simultanés de Gaston de Pawlowski décrits dans le Voyage dans la Quatrième Dimension ne seront pas inventés. Le don d'ubiquité est encore un don du ciel pour les Supers-héros. Je vous le disais au début Alphonse Allais est parmi nous.
Les cartes postales monochromes sont éditées par Le Coffre à Malices à Challans, sans date.

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