lundi 24 avril 2017

dernière lettre ouverte à Madame Azoulay avant son départ

Madame Azoulay,
Ministre de la Culture et de la Communication,


Je suis un citoyen français, j'ai fait mon service militaire, je travaille dans la fonction publique, je paie mes impôts et mes costumes, mes contraventions aussi car, lorsque je commets une faute vis-à-vis de la République et de ses lois, je tente toujours au mieux de réparer et j'admets mon erreur.
Je pense donc être un citoyen digne d'une réponse de votre part, Madame la Ministre de la Culture.

Par trois fois Madame Azoulay, je vous ai adressé un courrier sur papier, ce que nous appelions avant une correspondance. Ce mot aussi est beau, correspondance.
Je croyais et je crois encore que, lorsqu'un citoyen écrit à une Ministre, même si il ne peut s'attendre à une réponse familière ou même trop personnel, l'administration interpelée se doit de répondre si ce n'est par la négative à la dite requête au moins, au minimum, par un courrier formel indiquant qu'il a bien pris en compte ce courrier.

Par trois fois, Madame Azoulay, je n'ai eu de votre part ou de ceux qui travaillent pour vous aucune réponse.

Trois fois.

En ce lendemain d'élections, je ne sais pas dans quel état cette lettre ouverte vous trouvera.
Au travail sans doute, réglant les derniers dossiers, travaillant au passage possible de votre Ministère à votre successeur. Je crois que nous espérons tous les deux que ce Ministère de la Culture sera toujours un Ministère de l'ouverture, de l'échange, de l'expression libre, et d'une forme de joie et de vie poétique.
Alors, Madame la Ministre de la Culture, nous aurons un Ministère de l'altérité qui écoutera, entendra, comprendra que la Culture se fait avec l'ensemble des mouvements citoyens, avec les associations, avec les artistes, avec les enseignants, avec ceux qui, lorsqu'on s'adresse à eux répondent.

Répondre.

L'état du Patrimoine Architectural Moderne et Contemporain est aujourd'hui terrible. Les menaces et les destructions n'ont jamais été aussi puissantes souvent pour des raisons croisées allant d'un manque de culture de nos élus et des citoyens à des lois sur la réduction énergétique qui écrasent les particularités et les fondements de leur beauté. Quant à nos paysages...

Il est temps d'établir un état d'exceptionnalité patrimoniale totale du Patrimoine Moderne et Contemporain.

Les destructions s'enchainent, les Labels Patrimoine du Vingtième Siècle sont bafoués, dans des villes de droite comme dans des villes de gauche.  Dans les villes mais aussi dans nos campagnes où un petit patrimoine mal connu, mal aimé est réduit au silence. Voyez, par exemple, comment la cantine scolaire de Marçon dessinée par Messieurs Wogenscky et Le Corbusier est traitée...
Le classement du centre commercial de Ris-Orangis attend depuis cinq années une réponse de l'administration.
Je ne vous fais pas l'affront de vous faire à nouveau une liste, certain que je suis que ces dossiers sont sur votre bureau et j'ai déjà eu la joie de vous les signaler par trois fois.

Trois fois.

Vous avez avec le Patrimoine Moderne et Contemporain un levier puissant pour dire votre attachement à certains territoires délaissés. Vous avez par la déclaration d'intérêt patrimonial de ces architectures dans ces territoires l'outil pour dire à ces populations qu'ils appartiennent à la Culture, qu'il y habitent, qu'ils l'utilisent et la rendent vivante. Vous auriez pu jeter sur ces territoires une lumière, celle qui permet de reconnaître un monde.

Je ne sais pas ce que deviendra cette lettre. Finira-t-elle, archivée, dans une boîte ? Je suis certain que mes collègues fonctionnaires au Ministère de la Culture feront bien ce travail d'archivage.
Ou ira-t-elle directement dans la broyeuse, accompagnée d'un sourire complaisant se moquant de ma naïveté à croire que vous me lirez et me répondrez et que la politique ne se fait pas de la sorte par l'interpellation citoyenne ?
C'est pour cette raison que je publie cette lettre ici, sur les réseaux dit sociaux. C'est aussi une belle terminaison, réseaux sociaux.

Ne pas répondre à un citoyen c'est le désespérer. Ne pas répondre, c'est ce qui fait douter de la démocratie et de son bon fonctionnement. Ne pas répondre c'est du dédain de l'expression populaire.
Nous savons, tous les deux Madame la Ministre, comment cela se termine.

Alors, je joins un timbre à ce courrier. Peut-être qu'après tout le budget du Ministère de la Culture ne vous permet plus de répondre par courrier à un citoyen. Ce timbre c'est la preuve de l'existence d'un service public, d'agents qui cheminent sur les routes portant avec eux les missives des citoyens français croyant encore aux fonctionnements des services publics et de leurs représentants élus.

Dans l'espoir fou que vous soyez encore pour quelques temps dans l'action politique et poétique, veuillez agréer Madame la Ministre de la Culture, l'Expression vivante et citoyenne de ma Considération Distinguée.

David Liaudet

À ce jour, Madame Azoulay n'a pas répondu, ni son service. Merci d'autant de limpidité, Madame.



Pour la correspondance de cette carte postale de Viry-Chatillon, Huguette indique : " Fixez-moi un après-midi de la semaine prochaine et j'irai le passer avec vous...Le soleil revenu remet le moral en place. À bientôt."
Tout pareil que Huguette, Madame la Ministre, tout pareil.
N'oublions pas que l'ensemble résidentiel CILOF est de l'architecte Maurice Novarina et qu'il s'agit d'une édition Combier en photographie véritable datée de 1965.




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