Nous avions vu que ce n'est pas simple la vision moderne et que, comme le démontre ce blog, faire acte de point de vue sur un patrimoine architectural par la carte postale doit savoir dépasser le mimétisme du "cliché" au risque de se faire rattraper par sa propre ironie.
Eh bien voici un parfait contre-exemple, la preuve encore de l'intérêt des artistes contemporains pour l'événement architectural dans tous les sens du terme mais également la preuve que faire un travail de point de vue sur l'objet éditorial "carte postale" doit dépasser le cadre par trop attendu d'une appropriation de codes dénaturés par un manque de culture sur cet objet.
Avec 17 cartes postales réunies sous un bandeau rouge, Jakob Gautel raconte une histoire, évoque un moment, rend hommage à l'espace.
Il s'agit d'un moment finalement banal aujourd'hui : la destruction d'une barre de logements sociaux et peu importe où cela se passe mais ça se passe à Grand-Charmont dans le quartier des Fougères.
L'artiste installe devant le chantier de démolition de la dernière barre un bar-guinguette où tout un chacun peut venir voir comme au spectacle cette destruction. Il s'agit là non pas d'un cynisme de bon aloi mais bien d'une position douce-amère faisant à la fois du moment une attraction, la précisant en quelque sorte, mais aussi une sorte de lieu de mémoire à venir, presque, osons le mot, un lieu de recueillement.
Car finalement ce spectacle existe, sa force est totale et on sait que le public assiste souvent au dynamitage de sa tour, au grignotage de sa barre. Manière de dire adieu soit positivement soit négativement mais jamais de manière indifférente. Jakob Gautel propose donc une version adoucie, presque tranquille comme on va au feu d'artifice en ayant à la fois peur du bruit et cherchant cette peur.
Les cartes postales éditées racontent sans bavardage l'événement, le restitue tout aussi tranquillement dans une distance qui alterne pourtant la violence réelle de l'acte et le champêtre de la buvette !
Tout tient dans cet écart.
Il y a de la joie, de l'humour dans les cadrages. Ce n'est certainement pas "objectif" mais le point de vue de l'artiste est clair : ce que l'événement raconte de la construction (éh oui !) d'un souvenir d'une... destruction.
Mes yeux glissent à la fois avec bonheur sur l'histoire, une sorte de sympathie assumée et sur des détails cocasses que Jakob Gautel a su parsemer l'air de rien.
Deux pigeons sur le rebord d'une fenêtre de la barre en démolition, l'inscription Maghreb United sur le t-shirt d'un adolescent, une croix blanche laissée par la traîne de deux avions dans le ciel.
Et si deux cartes postales différentes portent le même titre de "grignotage" c'est qu'elles nous montrent une pelleteuse en action dans le réel mais sous la forme d'un jouet faisant son travail sur un gâteau en forme de barre...
C'est presque tendre.
J'apprends en plus qu'en allemand carte postale se dit Ansichtskarte ce qui se traduit par "carte de point de vue".
Je vous laisse méditer le double sens avec Jakob Gautel.
Je vais donc ranger cette édition avec les autres, nombreuses maintenant. Et pas de doute qu'elle sera pour moi l'un des meilleurs exemples de ce qu'il est possible de faire avec l'utilisation des cartes postales.
Je ne vous donne pas la série complète pour que vous ayez plaisir à la découvrir également en vous la procurant auprès de l'artiste.
Jakob Gautel tient très justement à préciser :
Juste pour clarifier un aspect qui n'est peut-être pas complètement clair :
Les photos des cartes postales ne sont pas toutes de moi, mais de Céline Babey, Jean-Marie Boizeau, Marie Blossier, Maxime Fraissinet, Aurélie Goetz, des habitants des Fougères et de moi, comme marqué sur le texte qui accompagne les cartes postales (plus une image d'archive, de la construction, bien sûr). Nous avions constitué une sorte de banque d'images, dans laquelle nous avons puisé pour le choix des cartes postales, sur lesquelles, pour simplifier (et parce que pour certaines photos l'auteur n'était pas clair) nous n'avons pas marqué chaque fois le photographe. Donc : Je suis bien l'auteur de l'action, du concept, du choix des photos, mais pas de toutes les images. Il s'agit finalement de points de vue de plusieurs personnes, réunis dans ce panorama de cartes postales !
Je ne crois pas que votre article donne une fausse impression ou information, mais je tenais juste à préciser ce point pour ne pas "m'orner de plumes d'autrui" (= traduction d'un beau proverbe allemand).
Cordialement et bon et bel été !
Jakob Gautel
Les photos des cartes postales ne sont pas toutes de moi, mais de Céline Babey, Jean-Marie Boizeau, Marie Blossier, Maxime Fraissinet, Aurélie Goetz, des habitants des Fougères et de moi, comme marqué sur le texte qui accompagne les cartes postales (plus une image d'archive, de la construction, bien sûr). Nous avions constitué une sorte de banque d'images, dans laquelle nous avons puisé pour le choix des cartes postales, sur lesquelles, pour simplifier (et parce que pour certaines photos l'auteur n'était pas clair) nous n'avons pas marqué chaque fois le photographe. Donc : Je suis bien l'auteur de l'action, du concept, du choix des photos, mais pas de toutes les images. Il s'agit finalement de points de vue de plusieurs personnes, réunis dans ce panorama de cartes postales !
Je ne crois pas que votre article donne une fausse impression ou information, mais je tenais juste à préciser ce point pour ne pas "m'orner de plumes d'autrui" (= traduction d'un beau proverbe allemand).
Cordialement et bon et bel été !
Jakob Gautel
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