Quelque chose de sobre, de moderne, d'un rien curieux m'avait, dans ces images de la ville, attiré et plu.
Alors, hier, n'y tenant plus, je me suis rendu dans le nord de mon département que par une habitude familiale, un manque de curiosité stupide et une attirance naturelle vers le sud, je connais si mal.
D'abord regardons ces cartes postales de Neufchâtel-en-Bray :
Les éditions la Cigogne en photographie véritable nous montrent la mairie et son théâtre. Elles nous donnent également le nom de l'architecte en chef Monsieur Auzelle, les architectes des opérations messieurs Puteaux et Roulle et le nom du sculpteur, grand prix de Rome, monsieur Calka.
Un conifère au centre de la photographie fait la symétrie de l'image et les couleurs ajoutées sur le noir et blanc sont un rien acides...
Mais déjà on peut saisir l'espace constitué d'une pente douce qui monte vers le cylindre du théâtre en haut à gauche de l'image laissant sur la droite le bâtiment long de la mairie et du tribunal. La sculpture, tête détachée d'un corps, ici ne donne pas toute son échelle, pas plus d'ailleurs qu'on ne peut comprendre la belle jonction du théâtre sur son sol et son inscription dans le terrain.
Approchons-nous :
Cette carte postale bien plus récente est d'une grande qualité de cadrage. Regardez comme elle place parfaitement la sculpture qui semble porter son regard vers le théâtre. Parfaitement découpée en zones d'importance, elle fait de ce petit morceau de ville, un ensemble bien concentré, ramassé même et qui donne à ce lieu une unité. Même les yeux de la DS Citroën sont bien placés !
On commence aussi à mieux voir le théâtre et son très beau dessin, car, nous allons le voir il s'agit à n'en pas douter d'un très beau et très réussi bâtiment. Nous sommes toujours dans une édition la Cigogne.
Arrêtons-nous sur la sculpture :
Cette carte postale de chez Photo Godin nous montre bien la Justice de Maurice Calka.
Aujourd'hui ce visage semble un rien daté, mélange assez surprenant d'un visage à la Cocteau et d'une sculpture primitive grecque. Cela se veut sans doute serein, calme et retenu mais l'iconographie des yeux grands ouverts alors que la tradition gothique la veut aveuglée est bien particulière. On peut aussi assez peu sur ce très beau cliché à l'ombre forte se rendre compte des dimensions de la tête qui est à taille humaine, même un peu plus grande !
C'est à n'en point douter un beau document. Mais vous pouvez aussi déjà apercevoir la très belle qualité de finition du bâtiment de monsieur Auzelle derrière cette tête. Admirons la belle constitution du mur à l'arrière de cette "justice".
Enfin le théâtre :
Un cylindre de brique ne se referme pas totalement et laisse une ouverture en faisant entrer sa circonférence vers son intérieur. Appuyé sur sa pente, le théâtre est pris dans un cheminement très subtil fait de courbes montant vers lui. On commence à bien voir le travail décoratif d'une grande finesse des briques sur ce mur qui pourrait sembler aveugle. Pourtant...
L'ouverture est généreuse et les percées dans ce mur sont nombreuses comme des niches d'un pigeonnier. Cela s'amuse également des ombres et d'une ponctuation de bleus faits de petits carreaux de céramique. Quel dessin !
A la fois forme occultée, fermée, ce théâtre qui semble presque défensif sur son extérieur sait bien jouer de sa matière et offre à l'œil un mur vibrant et riche. La contre courbe venant dégager l'espace de l'entrée permet un pincement, une sorte de légèreté, comme si ce mur extérieur avait, du bout du doigt, été repoussé vers son intérieur. L'abstraction est totale, la forme ne dit rien de sa fonction, pourtant tout est parfaitement équilibré et mystérieux.
La petite Renault 5 donne l'époque, simplement.
Mais ce qui fut un étonnement lors de ma visite c'est que ce cylindre est enfoncé dans son sol et sa proportion est un rien transformée pour celui qui n'arpente pas dans le réel le trottoir devant le théâtre. Le cylindre est bien plus haut, moins pataud et du coup son mur est encore plus fort, plus secret. Ce mur de brique est bien composé comme une ponctuation abstraite et rigoureuse mettant en avant le matériau sans tomber dans un décoratif facile. C'est d'une grande modernité.
Voyez maintenant mes photographies :
On remarque que la Justice a tourné un peu sa tête depuis les cartes postales !
Le traitement des lanterneaux sur les toits est magnifique et forme des petits édicules qui rythment l'horizon. Superbe...
Vers le théâtre, la prise au sol est remarquable :
La fontaine mériterait vraiment une belle restauration.
Dessin parfait et ingénieux des courbes, jeu de l'appareillage des briques absolument remarquable :
Par la vitre, une tentative de voir le beau volume interne et de constater sa grande luminosité :
Le travail a été si bien fait que le théâtre porte le nom de son architecte ! Et c'est mérité !
Et, signe encore de l'incroyable qualité de ce petit objet architectural moderne de province, un article fort complet est lisible dans le numéro 112 d' Architecture d'Aujourd'hui de 1964.
Profitons-en !
Il nous permet de mieux lire le très beau plan et de voir l'intérieur.
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