Ce dernier accrochage nous propose une sélection de photographies de 4 artistes. On passera rapidement sur la question biographique de l'exposition car il semble que cela soit surtout un merveilleux prétexte à découvrir des photographes.
Pour ce qui nous concerne ici, la question de la ville et de sa représentation, deux travaux se dégagent comme un peu plus pertinents. Ceux de Franck Boucourt et de Alan Aubry.
Franck Boucourt photographie les jardins ouvriers.
Parfois ce sont les corps des jardiniers qui les organisent, parfois il s'attache à l'organisation poétique ainsi engendrée. Des bouts de ficelles, des fleurs artificielles abandonnées aux intempéries et des mains, des pieds, du poids corporel dans l'étendu d'un joyeux bordel cultivé.
Si l'effet d' étrangeté et la poésie des petits riens surgissent bien de ces cadres, c'est toujours avec les jardiniers que je retrouve ce que j'ai aussi connu de ce type de lieu. C'est souvent superbe et émouvant, jamais dégradant.
Alan Aubry nous le connaissons. Je ne ferai pas semblant de vous en parler comme d'une découverte sauf que...
Voilà qu'une nouvelle fois voir conduit à aimer.
Par l'étendue de l'accrochage, le choix des clichés et l'inévitable narration conduite par la succession des clichés et les creux d'images absentes, naît une émotion surgie certainement aussi de ce corps, de ce dos de velours côtelé que je connais bien.
Donc de dos très souvent, le visage toujours caché (parfois dans un trou) Alan Aubry embrasse au sens propre comme au sens figuré le paysage de son Afrique du Sud qu'il découvrit à 5 ans pour y habiter avec ses parents. C'est son pays.
L'humour n'arrive pas à cacher l'émotion de ce retour et Alan Aubry semble vouloir se saisir dans cet état à la fois réconcilié avec un pays imaginé comme tendre par l'enfance et sa révélation d'adulte d'un état empreint des difficultés qu'on lui connaît. Les espaces ainsi photographiés sont ceux de lieux jouant souvent avec des images pour se croire ailleurs, les images sont partout dans ces bars, ces cafés, ces épiceries comme pour mettre le pays ailleurs, comme si l'Afrique du Sud ne pouvait se contenter de ses propres décors.
Martin Parr flotte par là, surgissant parfois durement mais Alan Aubry en s'installant ainsi debout, tendre, couché et plié, le câble du déclencheur dans la main et serpentant jusqu'à nous, casse l'effet d'ironie. C'est plus fort et souvent on est assailli par la Saudade portugaise.
Et puis il nous montre son monde et cette Afrique aux monuments délirants, aux architectures mal influencées et le cadre parfait d'une géométrie frontale cerne les ombres, le soleil et l'implacable petite misère arrangée d'un napperon et d'un calendrier pornographique.
Et puis je l'avoue, je le dis, ce câble trop long qui déclenche je l'ai fourni à Alan. Alors je le vois toujours comme ce lien qui nous unit tous les deux. C'est, désolé pour vous, toujours vers moi que je le verrai serpenter accusant à la fois notre amitié tout en nous mettant à distance.
J'aime partager cette distance ainsi avec toi Alan.
Il faut aussi parler de Chun-Liang Chang qui nous présente un univers intimiste fait de la petitesse d'un appartement qui conduit l'artiste à agrandir l'espace par un collage de clichés à la manière appauvrie d'un David Hockney. Il y a là parfois sur la lumière d'un bol jaune émaillé un éclat de Chardin. Il faudra encore trouver le moyen de dire le temps plus simplement que par cet effet un peu joué d'une multiplication du corps du photographe.
Cécile Tombarello photographie les gens en pensant puissamment à ses références sans détour. Et la Renaissance italienne qu'elle dit reprendre l'est surtout au travers du puissant filtre de l'art contemporain. On pourrait dire que le regard de Bill Viola est déjà passé par là mais cela en rien n'engage son travail. Les corps posent, se rassemblent et forment alors des Mystères.
Il est indéniable qu'il y a là une justesse, une attention et belle altérité sans fard. On échappe enfin à cette objectivité froide parfois pompeuse de tant de photographes contemporains nous infligeant le masque de la photographie d'identité.
Alors si vous passez à Rouen je vous conseille vivement cette exposition, vous aurez facilement compris pourquoi.
biographies
Cécile Tombarello
Alan Aubry
Franck Boucourt
Chung-Liang Chang
jusqu'au 27 février 2010
Galerie photo du Pôle Image Haute-Normandie
15 rue de la Chaîne 76000 Rouen
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire