Je retrouve dans mon tiroir de l'école, protégées par une enveloppe de fortune les cartes postales éditées par Louise Devin pour son diplôme.
Il s'agit d'images prises de nuit dans la ville du Mans alors en transformation sous l'impulsion de la construction de lignes de tramway aujourd'hui réalisées.
Louise Devin jouant totalement des codes de la carte postale (les surjouant ?) nous propose donc des vues de bâtiments murés qui attendent dans une nuit jaune leur démolition.
Les vues implacables, prises de face toujours de l'autre côté de la rue, nous disent un recul, une distance qu'une crainte ne semble pas vouloir nous faire franchir.
Toujours étrangement le vide et la clôture font peur.
Ne pas voir et ne pas être vu par les bâtisses aveuglées génère un sentiment étrange de fin du monde. Il ne s'agit pourtant que du début de travaux.
Mais Louise Devin s'amuse aussi de notre regard sur les cartes postales en encadrant ces images d'un bord noir comme on peut en voir sur certaines éditions qui se veulent luxueuses, ou en inscrivant Le Mans dans une typographie historique et surannée. Ici il est bien question de se jouer des codes, de se moquer un brin du pittoresque avec lequel la ville à l'habitude de se représenter.
Au dos des cartes postales de Louise Devin tout aussi fait signe (fait semblant). Les rues sont nommées, la date avril 2008, son nom et le nom de l'imprimerie le Mans Métropole. La carte est aussi divisée pour la correspondance et pour l'adresse.
Les cartes étaient distribuée, je crois, lors de son diplôme et lors de l'exposition des travaux des étudiants.
Peut-être que dans la diffusion manquait le geste ultime, celui de Stephen Shore avec ses propres photographies éditées, d'abandonner ses cartes postales sur des tourniquets de la ville et d'aller de temps en temps mesurer leur disparition banale dans des boîtes aux lettres...
Boulevard Pierre Brosselette, Le Mans, Copyright Louise Devin
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