mardi 16 juin 2009

la permanence du point de vue, l'importance du premier plan

Je ne sais pas pourquoi mais les photographes de cartes postales aiment bien revenir sur le lieu de leur crime.
Après plusieurs années, ils réactualisent leurs clichés en posant le pied photo au même endroit qu'il y a quelques années. D'ailleurs je ne sais rien de cette fréquence sauf qu'elle permet de mesurer le temps passé.
Nous avons déjà vu ça sur ce blog . Parfois quelques minutes entre deux images, deux cartes postales, parfois plusieurs années.
L'autre chose c'est que dans cette permanence, s'ajoute le choix du premier plan qui tente de situer, décorer, agrémenter l'objet même de la carte postale. Ce choix est quasiment toujours fait de verdure ou de fleur. C'est la joie de vivre, la nature, la couleur qui s'invitent entre l'architecture et le spectateur comme si, sans cet agrément, elle n'était pas regardable.
Avec les deux cartes postales qui suivent nous en avons un bon exemple :


Nous sommes à Saint Georges de Didonne près de Royan devant le casino. La première une édition C.A.P en réal-photo fut expédiée en 1964. La deuxième pour Théojac en mexichrome fut expédiée en 1966, donc deux ans  d'écart. C'est peu. On remarque la similitude évidente de point de vue. Le goût de la jardinière. D'ailleurs je ne peux m'empêcher de rapprocher formellement les jardinières de l'architecture de Monsieur Delhomme dont le nom n'apparaît que sur la première carte postale. Un long parallélépipède blanc posé sur le sol. Admirons aussi les parasols qui ont changé de couleur.
Pourquoi diable se mettre là ? Pourquoi ne pas nous montrer autre chose de ce casino ?
Le premier cliché nous permet de mieux saisir l'architecture ma foi fort simple et élégante, bien ouverte sur ce que le contrechamp nous laisse deviner : la mer. Il me faudra, à ma prochaine visite à Royan, voir si moi aussi, devant ce casino, je choisis pour le photographier de me mettre devant les jardinières...

Comment un photographe peut nous dire la vie portuaire sans nous montrer de bateau ? Comment faire avec de l'architecture tout juste sortie de terre (sable) pour évoquer l'intemporel de l'activité des marins alors que l'architecture même se veut extrêmement contemporaine ? 
Il suffit de cadrer un peu en dessous et de se placer devant le joyeux bazar des marins, filets de pêche, ancre et caisses pour nous mettre immédiatement dans l'ambiance maritime de vacances.
Il est vrai que si vous ne le faites pas, vous pourriez bien être n'importe où devant un centre commercial ou une station service. Pourtant, ici à Port Leucate, Monsieur Candilis l'architecte a bien travaillé et il serait possible par une belle photographie et donc une belle carte postale d'aimer nous dire la modernité et l'audace de son architecture. Mais non. N'oublions pas que le domaine de la carte postale est souvent le pittoresque, ce que le dictionnaire Larousse définit comme ce qui est digne d'être peint. Aujourd'hui la peinture a fait son lit de ce genre de pittoresque tout comme la photographie. Il faudra trouver d'ailleurs à ce média un terme correspondant. Mais aujourd'hui tout est photographié surtout ce qui ne mérite pas de l'être, comme un retournement du pittoresque que la photographie plasticienne aurait pris à son compte. Zone vague, architecture vide, absence de population et frontalité, tout nous dit que nous n'aurions pas dû faire le cliché (c'est le terme) mais que justement nous le faisons. Faire de l'ennui de la situation le bonheur de l'image. Mais les photographes de cartes postales sont passés avant vous et c'est ce que nous dit je crois Martin Parr.
Cette carte postale de Port Leucate est une édition PAP non datée.

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